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Durant le XIXème siècle, le chemin de fer, puis l'apparition de l'automobile au début du XXème siècle, vont modifier profondément aussi bien nos comportements alimentaires, que l'activité de notre monde agricole. Chaque petite région va chercher à spécialiser ses productions afin de bénéficier des bienfaits d'un machinisme agricole naissant et d'un début de généralisation des échanges. Il faut absolument nourrir la population des grands bassins industriels et les paysans sont à l'honneur ! Dans une logique de construction de la nation, d'exode rural et de développement économique, les identités locales sont réinterprétées et les terroirs sont à l'honneur ! Le progrès est en marche mais l'on garde son cœur d'enfant, tout en perpétuant et en partageant ses recettes familiales. La révolution industrielle du XIXème siècle et la généralisation du chemin de fer créé de nouveaux besoins et de nouveaux services. Des changements profonds bouleversent les campagnes, aussi bien sur le plan de l'activité que des échanges ou des connaissances. La progression démographique, l'exode rural, la spécialisation des tâches de production et les nouveaux bassins industriels génèrent d'importants besoins alimentaires, que le transport ferroviaire va s'employer à résoudre. Pour la première fois, il est possible de transporter rapidement, de nuit comme de jour, d'importants volumes de denrées alimentaires. Chaque village, chaque pays, chaque région tente de s'organiser afin de mieux répondre à cette nouvelle demande. La formation, l'expérimentation et la compétition s'organisent : de nombreuses variétés sont créées et de nouvelles espèces sont introduites, afin de maintenir l'emploi agricole et de profiter de ces nouvelles sources de richesses. C'est l'époque de la « République des Paysans », des comices agricoles, de le tomate de Marmande, de la courge d'Eysines ou encore du radis de Bégles et de la fraise de Pessac ! C'est aussi la naissance de notre régionalisme culinaire, qui s'appuie à la fois sur ces mutations économiques et sur la transformation profonde des imaginaires autant que des relations sociales. La spécialisation et la mécanisation des productions, la hausse des prix agricoles sont autant d'éléments qui favorisent ces changements d'habitudes : la consommation de porc et de viande se généralisent, les légumes verts viennent concurrencer les bouillies de céréales et le vin devient une boisson commune ! C'est la grande époque de la « cuisine bourgeoise », des restaurants parisiens et de la construction de la « Nation ». Avec l'impérialisme colonial, Paris et la France se veulent le centre du monde : notre centralisme jacobin fonctionne à merveille et s'appuie à la fois sur notre organisation géographique aussi bien qu'historique. Grâce à la gigantesque toile d'araignée tissée par les différentes sociétés de chemins de fer, tous les meilleurs produits de nos provinces convergent vers les halles parisiennes, siège de toutes les grandes expositions universelles et des meilleures tables, sur les « grands boulevards » ! C'est durant cette période de changements intenses et d'éclatement des sociétés locales, que les plus fortes aspirations à l'authenticité se manifestent, que les traditions s'expriment ou s'interprètent, que naît tout un imaginaire régionaliste et que se constituent la majorité de nos terroirs. L'automobile, les voyageurs de commerce, la généralisation des vacances touristiques vont permettre à de nombreuses grandes maisons de prospérer, en offrant à toute une clientèle fortunée le plaisir d'une tradition, d'une authenticité et d'une nature revisitées.
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