Bordeaux : ce nom sonore désigne à la fois une ville et un vin, ou plutôt des vins qui, par leur style et leur qualité, ont acquis au cours des siècles le statut de monument culturel. L’acquisition d’une telle aura européenne et même mondiale implique, de la part de la ville, de la région et de ses produits, une cohérence et une originalité des plus rares. Ce caractère d’exception attire évidemment les curieux. Les vins qui nous séduisent encore l’un et l’autre vont du petit plaisir sitôt oublié à la merveille mémorable, et leur dégustation, constitue toujours une expérience sensuelle et marquante. Comment définir ces vins ? Quelle est leur essence commune ? D’un point de vue presque mystique, c’est le goût du rivage atlantique. Un verre de bordeaux livre le fruit, exprime le raisin, mais il donne avant tout la dimension du lieu, la conscience des pierres, du gravier, de l’argile ou du calcaire qui stockent l’eau qui sera changée en vin. Et ce lieu justement ? La ville de Bordeaux a le charme froid d’un port septentrional, à l’orée du monde méditerranéen. Elle est austère et les perspectives de ses rues de pierre observent la même stricte discipline que les interminables rangées de vignes de la région. L’Histoire et la Fortune l’ont davantage ancrée à l’Europe du Nord qu’au reste de la France. L’Angleterre étaient plus proche, par bateau, que Paris. Edimbourg, Hambourg et les ports scandinaves ou de la Baltique sont baignés par la même eau grise qui reflète ses pierres dorées. Le lieu et le produit définissent une culture, complexe et depuis longtemps bouillonnante. Entre les producteurs de bordeaux, les négociants et leurs clients, les hypothèses, les méthodes de travail et les valeurs, fortement partagées, sont susceptibles d’être débattues. Est-il possible de les exposer précisément, clairement et utilement ? C’est ce que fait Robert Joseph dans ces pages. (Extrait du livre Bordeaux et ses Vins de Robert Joseph) |